Après une semaine d’une ultime préparation au château d’Arville, l’équipe belge de concours complet peut prendre sereinement la direction de Paris. Seul bémol, la blessure d’Elmundo de Gasco, le cheval du premier cavalier réserve, Cyril Gavrilovic. Un coup dur pour le Belgo-français de 32 ans qui tenait sa première sélection olympique. Le malheur d’un cavalier réserve, faisant le bonheur d’un autre réserve, c’est Maarten Boon qui a intégré le groupe avec Gravin Van Cantos.
L’équipe que Kai Teffen Meier emmène à Paris ne cache pas ses ambitions et entend bien tirer son épingle du jeu et profiter notamment d’un règlement qui pourrait « piéger » certains favoris. Rencontre avec une équipe belge aussi compétitive que motivée…
C’est très belge de ne pas parler de médaille…

Actuelle 4ème au classement mondial (une première pour une cavalière belge), Lara de Liedekerke vient de remporter son premier CCI 5* à Luhmühlen. Autant dire que c’est gonflée à bloc qu’elle prend la direction de Versailles.
Lara par rapport à il y a deux mois votre statut a changé?
« Je pense que j’ai un autre statut qu’il y a deux mois, oui. En tout cas aux yeux extérieurs. Aux miens pas. Je pense que je suis aussi confiante qu’il y a deux mois. Mes chevaux sont vraiment bien, ma victoire à Luhmühlen , c’est quelque chose de fantastique, ce ranking mondial encore plus. Donc les gens m’attendent au tournant, mais il n’y a pas vraiment de tournant... »
L’approche de ces Jeux de Paris est différente pour vous par rapport à Tokyo il y a trois ans?
« D’abord je ne suis plus la même personne qu’il y a trois ans. J’ai beaucoup plus d’expérience. Et plus d’attentes aussi. J’ai pu préparer Paris depuis beaucoup plus longtemps. Par rapport à Tokyo marqué par le covid, le report et puis le fait qu’un moment ce n’était plus moi qui y allait,… Ici j’ai pu préparer ça pendant trois ans. Il a fallu qualifier la Belgique et puis confirmer avec mes chevaux. Il n’y en a pas eu qu’un, il y en a eu cinq. L’état d’esprit est différent aussi. On part avec un esprit d’équipe fort mais surtout avec l’envie de faire un résultat par équipe assez important. On a une équipe très équilibrée avec Karin (Donkers) qui a beaucoup d’expérience. On a Tine qui rêve de ces jeux depuis qu’elle monte son cheval. Je crois qu’on est aussi têtues et ambitieuses les unes que les autres toutes les trois. Après on dépend d’un animal de 500 kilos, je pense que la pression sera forte. Mais l’envie et la possibilité de faire un résultat sont bien présentes. Tout le monde parle d’un top 8, moi je veux faire mieux qu’un top 8. »
Parler de médaille, c’est tabou?
« C’est très belge que ce soit tabou de parler de médaille. C’est vraiment typique, on ne peut pas affirmer ses ambitions sous peine d’être qualifié de « dikkenek », de prétentieux. Mais je pense que le travail mis en place depuis des années et le non drop score des grosses nations sont des choses qui peuvent jouer en notre faveur. On est toutes les trois capables de faire une médaille par équipe, même si il faudra aussi la chance de notre côté. Pourquoi dés lors ne pas dire haut et fort qu’on a envie de faire une médaille?«

Présentez-nous Orgini, votre compagnon d’aventure pour ces jeux.
« Origi, c’est le full package. Le cheval, les propriétaires, la confiance de toute une équipe. C’est important de le souligner car on ne gagne pas beaucoup d’argent en complet et les propriétaires se font rares. Et là, j’ai la chance d’avoir des propriétaires qui me soutiennent depuis plus de dix ans. Ce n’est pas ça qui a fait le choix d’Origi. Le cheval est excellent, c’est un super sauteur. Il est élevé pour sauter (ndlr: Ses origines sont Indoctro x Darco…). J’espère donc vraiment être présente le dernier jour pour le jumping. et surtout le deuxième jumping. Car c’est une chose dans laquelle vraiment il excelle. Après c’est un cheval « covid », il ne connait pas vraiment le grand public. Il a fait le Lion d’Angers à huis clos, donc il va découvrir des choses, comme il le fait depuis quatre ans… J’adore tous mes chevaux. Je pourrais avoir la larme à l’oeil en parlant de chacun d’eux. Maintenant, c’est difficile de dire si Origi était mon meilleurs choix ou pas. De toute façon, maintenant, c’est la tête dans le guidon et on est parti et on ne se pose plus ces questions là. »

Six participations dans le rétro et une septième devant soi…

De loin la plus expérimentée de ces « drôles de dames », Karin Dockers participera à Paris à ses septièmes jeux…. L’occasion d’un petit test de mémoire pour savoir si vous vous souvenez de toutes les dernières éditions des JO et surtout l’occasion de demander à la cavalière de Minderhout ses souvenirs pour chacune de ses participations..
« Ce sont mes premiers jeux qui, définitivement, restent les plus présents dans mon esprit. Barcelone, 92, pour la première fois le village olympique, le gigantesque restaurant, la cérémonie d’ouverture surchauffée et en plus on avait obtenu un résultat fantastique, une 4ème place par équipe, 8ème en individuel. Définitivement la première fois reste le « highlight ».

Ensuite en 96, Atlanta. On était qualifiés par équipe mais le vétérinaire a fini par décider qu’il était préférable de ne pas envoyer certains chevaux en raison de la chaleur trop importante. Seul Constantin (Van Rijkevorsel) participera finalement. En 2000, très loin, Sydney…J’avais fait un bon dressage, mais le cross était loin d’être le meilleur que j’avais fait dans ma vie. De plus cette année 2000 était une année catastrophique pour moi avec l’incendie qui avait frappé mes écuries et puis la mort de mon cheval olympique lors d’un accident sur l’autoroute après qu’il se soit enfui. Une année à oublier… Et puis il y a eu 2004, Athènes. C’était bien, on termine 7èmes avec l’équipe. En 2008, nous étions à Hong Kong pour les jeux de Pékin. C’était bien aussi là bas, j’avais terminé 9ème en individuel avec Gazelle (de la Brasserie). J’étais encore avec elle à Londres en 2012, où nous réalisons également un bon résultat avec une quinzième place individuelle et on n’avait malheureusement pas terminé en équipe. Ensuite il y a eu Rio, en 2016, on avait eu un super résultat en dressage, mais j’avais été un peu trop ambitieuse dans le cross et ça s’était terminé par une chute. Et puis j’avais ma qualification pour les jeux de Tokyo en 2020, mais en 2021, quand ils ont finalement pu avoir lieu, mon cheval était alors blessé et je n’avais pas pu participer. Donc je suis vraiment heureuse maintenant d’être dans l’équipe pour Paris 2024. Un top huit est à notre portée et mieux est également possible.«
Plus qu’un rêve de petite fille.

Quand on demande à Tine Magnus ce que lui évoque « Jeux Olympiques », la question ne tarde pas à fuser… Des étoiles dans les yeux et l’index dans l’air, elle vous dessine les anneaux olympiques.
« C’est un grand rêve. Quand j’étais enfant je regardais tous les sports et spécialement l’équitation et Karin. J’ai suivi presque toutes ses participations je crois. À part la première car je venais de naître. (rires). Maintenant partir avec elle aux jeux est un véritable rêve. J’avais un poster d’elle en concours dans ma chambre. Je lui ai dit, il y a quelques années, quand j’étais en stage chez elle, que mon rêve serait de participer avec elle a un gros évènement. Je pensais à des championnats d’Europe ou des Championnats du monde. Mais là, aller avec elle aux Jeux Olympiques, c’est fantastique. Parfois je dois me pincer pour voir si c’est vrai et que je ne rêve pas.
Maintenant on a eu une très bonne saison avec une victoire dans le quatre étoiles de Strzegom, un top 10 à Saumur et à Luhmuhlen. Je savais que j’avais une grande chance d’être retenue dans l’équipe. En plus une équipe comme ça avec Lara en top forme et Karin et son expérience, c’est fantastique. Maintenant on est 65 à rêver de médailles, mais avec ma jument qui est vraiment super, on part avec de l’ambition. »

Au cas ou…
Passé du statut de deuxième cavalier réserve à premier, Maarten Boon est l’invité de dernière minute à Paris…
« C’est clair que ça va être une expérience différente des autres. Mais je dois m’entrainer comme si je faisais partie de l’équipe à part entière. Je vais essayer d’assister les filles au mieux afin qu’elles aient le plus de chance de faire un résultat. On a un avantage énorme, c’est qu’on se connait tous très bien depuis de nombreuses années. Ça rend le statut de réserve plus facile. On sait qu’avec les chevaux, il peut toujours se passer quelque choses et que l’entrée de la paire réserve advient après un problème pour un membre de l’équipe. Mais il faut se tenir prêt. Même si je ne souhaite ça à personne. Je sais que chacun a travaillé comme un fou pour arriver là. C’était le cas de Cyril (Gavrilovic) aussi. Mais c’est la vie. »

On s’est qualifiés par la grande porte.
À la tête de toute cette troupe, on retrouve Kai Steffen Meier, à l’heure du départ on a demandé au chef d’équipe quelles étaient les émotions qui prédominent…
« Je pense que c’est un peu de tout, mais il ya surtout de l’excitation. Mais on est aussi préparés. On a fait un très bon dernier entrainement, les chevaux sont vraiment dans une très bonne condition. L’esprit des cavaliers est également vraiment bien. Donc on part sereins. Bon je suis Allemand, donc je suis réaliste…On a de l’ambition mais peut être qu’on reviendra avec une sixième place et que je serai déçu car j’aurais vu où on a laissé passer des choses. Ou peut-être que l’on reviendra avec une dixième place et que je serai super heureux car on aura bien géré. Ce format ouvre beaucoup de portes et on sait que les nations du top 5 vont devoir prendre beaucoup de risque et que toutes ne parviendront peut-être pas à ramener les trois chevaux à l’arrivée. C’est peut-être là qu’est notre chance. Mais on mérite d’être là, on s’est qualifiés par la grande porte aux Championnats d’Europe, on a remporté la série de Coupes des Nations l’année passée, donc on ne doit pas se cacher… »
Et si le complet se gagnait au jumping…
Ce jumping qui a souvent fait pécher les « complétistes » belges…Mais ça c’était avant. Avant que François Mathy Jr, cavalier d’obstacles 5*, n’arrive pour encadrer cette équipe de complet…
« C’est la tendance actuelle en complet, il faut avoir un gros niveau en obstacles pour pouvoir performer. Michael Young en est le meilleur exemple. C’est très important aussi de bien connaitre les chevaux pour pouvoir les faire évoluer et c’est ce que nous avons fait cette dernière année. C’est une nécessité si on veut performer dans les championnats ou les gros évènements.«

L’équipe Belge de complet pour les Jeux Olympiques de Paris 2024 (De gauche à droite: François Mathy Jr (coach jumping), Jef Desmedt (vétérinaire), Dorien De Swaef (groom), Tine Magnus (cavalière), Dirk Vermeiren (groom), Karin Donkers (cavalière), Lara de Liedekerke (cavalière), Bettina Cardinael (groom), Maarten Boon (cavalier), Kai Steffen Meier (chef d’équipe))
Le programme des épreuves de concours complet aux Jeux de Paris 2024 ici