Pour son premier séjour à Oliva, Daniel Deusser est venu avec un piquet essentiellement jeune mais prometteur. Alors que Tobago Z, son fidèle partenaire, du haut de ses 17 ans approche de la fin de carrière, le cavalier allemand pose les bases de la relève. Avec quatre chevaux, quatre en construction, il travaille déjà à l’après.
« C’est, en effet, une forme de continuité après Tobago, une sorte de passage de flambeau », affirme Daniel Deusser, sobrement mais avec une certaine conviction. À Oliva, où se déroule le Mediterranean Equestrian Tour, il n’est pas venu seulement pour engranger des classements. Il est là pour construire, préparer, tester.
« J’ai cinq chevaux ici. Il y a bien sûr Tobago Z, que tout le monde connaît, et les quatre autres : trois chevaux de neuf ans, un de dix ans. » Tous ont pour point commun d’être plus ou moins récents dans ses écuries. Et tous ont un objectif clair : rejoindre le plus haut niveau.
Un hongre de dix ans tout juste arrivé

Karon (Dexter R x Canturano I) le plus récent de ses chevaux est un hongre de dix ans que Stefan Conter a acquis « il y a une semaine ». Daniel ne l’avait monté qu’une seule fois à la maison avant qu’il ne monte dans le camion qui devait l’emmener en Espagne. « Il avait déjà sauté quelques épreuves à 1,45 m, peut-être même une 1,50 m. Je ne connais pas encore tout de lui. » avoue l’Allemand.

À Oliva, le nouveau couple a directement enchaîné trois parcours : « 1,35 m, 1,40 m, 1,45 m. Et franchement, je suis très content de la manière dont il s’est présenté. » ajoute « Double D ».

Ce cheval a, selon lui, les moyens d’évoluer jusqu’au niveau 1,50 m, voire au-delà : « Il a la capacité pour ça. Après, on verra comment il progresse. On est bien sûr ici pour travailler, mais je pense qu’il a les moyens pour ça. Mais après une semaine je ne peux pas encore en dire beaucoup plus.»

Carrielane, du potentiel à polir

Deuxième monture : Carrielane (Capistrano x Coupe d’Or), une jument de neuf ans, arrivée à la fin de l’été dernier au sein de l’écurie Stephex. « Elle a commencé tard, à sept ans. Elle est encore un peu verte. » Mais les qualités sont là : « Très respectueuse, beaucoup de puissance, mais elle a besoin de temps. Elle a déjà sauté des épreuves ranking cette année, des 1,45 m. Elle passe les barres facilement, mais il lui manque encore de l’expérience. Il faut enchaîner les parcours, la laisser apprendre. » d’ajouter Daniel Deusser.


Quiberon- P, un cheval déjà compétitif

Également âgé de neuf ans, Quiberon (Quinn van de Heffinck x Toulon) a été monté auparavant par Michael Hugues. C’est seulement la deuxième compétition de Daniel Deusser avec le hongre, mais le cavalier Stephex est déjà séduit. « Il a son propre style. Hier, par exemple, dans le barrage, j’ai abordé un vertical assez vite. Il saute un peu en avant, un peu sur l’épaule, mais il ne touche pas les barres. Il est plus haut derrière, c’est peut-être une question d’équilibre. Mais il gère, c’est un cheval très intelligent. »


Deusser apprécie cette capacité d’adaptation : « Même si la distance n’est pas parfaite, il est assez malin dans son corps pour éviter les fautes. Et ça, c’est très précieux en compétition. »

Kaduna JL Z, la prometteuse…

Dernière de la liste : Kaduna JL Z (Kannan x Querlybet Hero), une jument de neuf ans. « C’est aussi ma deuxième sortie avec elle. Ah non pardon, mon troisième concours… Je suis allé au Sunshine Tour aussi avec elle deux semaines. Stefan l’a achetée il y a environ deux mois. Elle a peu d’expérience, elle a sauté une fois une 1,45 m. » Le week-end dernier, en sautant le Grand Prix 3* 1m45, elle sautait son plus gros parcours. « Elle a fait une faute dans le triple parce que je suis arrivé un peu vite, mais c’est une jument très respectueuse, compétitive, avec du sang. » DD est optimiste : « Je pense qu’on va gagner des épreuves avec elle à l’avenir. »
Pas encore un nouveau Tobago, mais…
Alors, est-ce que parmi ces quatre, se trouve le prochain Tobago Z ? Le cavalier de 43 ans reste prudent : « C’est difficile à dire. Même Tobago, à huit ou neuf ans, ce n’était pas encore le cheval qu’il est devenu à douze. »

Il insiste sur la progression : « Ce qui compte, c’est de voir leur intelligence en piste. Carrielane et Quiberon sont déjà compétitifs à 1,45 m, mais il leur manque encore de la condition, de la régularité, de l’expérience. Avec le travail, ils vont améliorer leur force, leur compréhension, leur amplitude. Et c’est là que tu peux viser plus haut. »
Construire pour demain
Malgré son statut de pilote de haut niveau, Daniel Deusser trouve du plaisir à ce travail de fond. «Oui, c’est quelque chose que j’aime vraiment. Travailler les jeunes chevaux, découvrir ce qu’ils ont de spécial. » Il cite Quiberon comme exemple : « Hier, il m’a montré qu’il avait quelque chose en plus. Il sait aller vite, gérer les imprévus. Et ça, ce sont les qualités qui font gagner. »

Le message est clair : pas besoin d’attendre la perfection pour performer, mais bien de miser sur l’intelligence et l’adaptabilité. « Si tout doit être parfait – la distance, le virage – tu ne gagneras jamais contre les autres. Les chevaux qui ont quelque chose de spécial compensent les petites erreurs. »
Et c’est cette « spécialité », comme il dit, que Daniel Deusser cherche à faire émerger chez chacun d’eux. La relève est encore en devenir, mais les fondations sont bien posées.